MONIQUE DEGLUAIRE SCULPTURE CERAMIQUE
"Lorsque j’ai rencontré la terre lors de mes études aux Beaux Arts, je n’imaginais pas qu’elle tiendrait tant de place dans ma vie. Elle s’est imposée immédiatement, sans me demander mon avis et j’ai été obligée de constater qu’elle était le prolongement de moi-même puisque quand j’essayais de l’oublier plus rien n’avait de sens. Et pourtant, comme elle est difficile, récalcitrante, autoritaire, c’est elle qui décide, elle ne m’obéit jamais, elle a toujours le dernier mot et si j’arrive à la maîtriser c’est le feu qui rentre dans le jeu, et là je ne réponds plus de rien. Heureusement depuis quarante ans que nous vivons ensemble, nous nous sommes apprivoisées. Seulement voilà, chaque terre veut bien parler à sa manière avec une écriture différente. Ce grès blanc que j’utilise depuis peu me semble conciliant. Nous avons inventé un langage. Tous ces humains et animaux qui m’habitent sont bien contents de parler sous mes doigts. Souvent étonnés, quelques fois ravis, ils sont chouettes espiègles, rhinocéros amoureux, éléphants triomphants, grenouilles lascives, femmes généreuses, hommes réfléchis. Ils ont vécu, ils sont déterminés et taisent leur fragilité. Ces animaux qui écrivent mon journal intime en terre, me donnent une distance. Ils n’ont pas peur, eux, de se montrer. Les gens se reconnaissent, en tous cas ceux qui ne craignent pas d’accueillir dans leur maison ces êtres en terre cuite. De temps en temps, on a l’impression de saisir quelque chose, mais ça ne dure pas. Le travail de la terre est une école de l’humilité. Chaque matin, il faut se remettre à l’établi en oubliant tout afin de toujours se laisser surprendre. C’est ainsi, le travail de la terre n’est jamais abouti, il faudrait plusieurs vies pour en faire le tour. Je ne sais pas ce que je cherche à travers la terre, l’immortalité peut-être..." Monique Dégluaire